La solitude est un moyen d'assurer le silence de la langue ; en effet celui qui s'écarte des hommes et n'a personne avec qui s'entretenir est, d'une façon naturelle, amené à renoncer aux paroles.
L'isolement est de deux sortes: celui des aspirants (al-murîdûn) qui consiste dans le fait d'éviter de se mêler matériellement aux autres, et celui des connaisseurs sûrs (al- muhaggiqûn) qui consiste dans le fait d'éviter intérieurement le contact des choses créaturelles. Les cœurs de ces derniers n'offrent de place qu'à la Science par Allah (al-'ilmu bi-Llâh) qui constitue ce Témoin de la Vérité (Shâhidu-l-Haqq), résultant de la pratique de la contemplation et résidant dans le cœur.
Ceux qui pratiquent l'isolement ont trois mobiles spirituels : 1° la crainte du mal provenant des hommes ; 2° la crainte de faire du mal au prochain ; ce point est plus important que le précédent, car dans le premier il est question d'une mauvaise opinion au sujet des autres, alors que dans le deuxième, la mauvaise opinion se rapporte à soi-même ; or la mauvaise opinion au sujet de sa propre âme est plus grave car tu te connais mieux (que tu ne connais les autres) ; 3° le désir de rendre permanente la compagnie du Maître que l'on a du côté de l'Assemblée Sublime . Ainsi l'homme supérieur est celui qui se fuit soi-même pour obtenir la compagnie de son Seigneur. Celui qui préfère la solitude à la fréquentation des autres, de ce fait même préfère son Seigneur à ce qui est autre que Lui ; or à celui qui préfère son Seigneur, personne ne peut savoir quels dons et secrets Allâh lui accorde. La solitude est éprouvée dans le cœur seulement du fait qu'on a quitté une chose et du fait de se trouver en intimité avec Celui vers lequel on s'est retiré et qui fut la cause du désir d'isolement.
La solitude remplit par elle-même aussi la condition du silence, car celui-ci en découle en mode nécessaire ; ceci s'entend naturellement du silence de la langue. Quant au silence du cœur, l'isolement ne l'apporte pas nécessairement car quelqu'un peut s'entretenir en soi-même «autrement que par Allah» et «avec un autre qu'Allah ». C'est pour cela que nous avons considéré le silence (dans son ensemble) comme règle indépendante de la voie .
Celui qui s'attache à la solitude découvre le « secret» de l'Unicité divine (al- Wahdaniyya al-ilâhiyya), et cela lui procure plus spécialement, en fait de connaissances et secrets, les secrets de l'Unité (al-Ahadiyya) en tant que qualité (sifa) . Le hâl propre de la solitude consiste dans le détachement des attributs, qu'il s'agisse de l'initié ordinaire (as-sâlik) ou de celui qui a déjà la réalisation (al- muhaqqqiq). Le plus haut mode de l'isolement est la « retraite » (al-khalwa) car celle-ci constitue un isolement dans l'isolement ; aussi son fruit est-il plus précieux que celui de l'isolement ordinaire.
Celui qui pratique l'isolement doit avoir une certitude au sujet d'Allah, afin qu'il n'ait aucune obsession qui lui ramène la pensée hors de la chambre où il se tient ; s'il manque de certitude, qu'il prépare à l'avance sa force en vue de l'isolement, afin qu'il soit renforcé dans sa certitude par ce qui se dévoilera à lui dans sa solitude. Ceci est une chose indispensable et une des règles fermes qui conditionnent la pratique de l'isolement.
La solitude procure la « connaissance du Monde » (ma'’rifatu-d-Dunyâ).
LA PARURE DES ABDÂL (Hilyatu-l-Abdâl) Traduit de l'arabe et annoté par MICHEL VAISAN
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