Questo contenuto non è al momento disponibile
10 mai 2024
Fondements de la fraternité spirituelle
Texte du Sheykh Tadili
D’après une tradition, le Prophète de l’islam a dit : « Le croyant est un ami intime à qui l’on rend souvent visite. »
L’amitié spirituelle implique que l’on s’informe des soucis de ses frères (ou sœurs) en Dieu, que l’on travaille à faciliter l’accomplissement de leurs affaires dans la mesure du possible, que l’on aille souvent les trouver chez eux pour leur rendre visite et renouveler la confiance mutuelle.
Un disciple soufi avait l’habitude de fréquenter tous les soirs la demeure d’un de ses frères en Dieu. On lui fit une remarque sur la fréquence de ses visites et il répondit :
« Les cœurs s’altèrent avec le temps, de même que l’eau stagnante s’opacifie avec le temps. Ainsi, je crains que mes dispositions personnelles se dégradent si j’espace trop mes visites. »
L’amitié spirituelle comporte notamment l’aide donnée aux âmes en désarroi, cette aide impliquant les témoignages d’affection que l’on porte aux êtres.
L’amitié oblige à la sincérité que ce soit extérieurement ou intérieurement, car chacun est le miroir de son frère en Dieu.
L’amitié implique la modestie, l’éloignement de tout type d’emportement et la conviction profonde que l’on a moins de valeur que chacun de ses frères ou sœurs en Dieu.
L’une des conséquences de l’amitié est de ne pas porter attention aux faux pas de ses frères, de cacher autant que possible leurs fautes, de prier pour leur pardon et de rechercher toutes les excuses possibles pour expliquer ces fautes.
L’amitié veut que le disciple soufi soit animé des meilleures pensées envers ses frères. Elle suppose le renoncement à commander au sein de l’assemblée des disciples, le renoncement à l’amour de l’ostentation et le renoncement à l’amour des honneurs.
Les qualités de caractère du soufi accompli font qu’il pardonne à celui qui lui a fait du tort, qu’il s’efforce de renouer les relations d’amitié avec celui qui les a rompues et qu’il agrée les demandes de celui qui a repoussé les siennes.
Le disciple soufi ne se vantera pas de dépasser ses frères en Dieu par sa science extérieure, par sa connaissance intérieure ou par ses états spirituels. Il pensera en premier lieu à sa propre difficulté à se soustraire des passions de son âme et il veillera à sa promptitude dans la recherche de tout ce qui peut satisfaire ses frères (ou ses sœurs). S’il commet une faute ou s’il manque à ses devoirs, il n’aura de reproches à faire qu’à lui-même et se hâtera de revenir par la prière vers Celui qui pardonne.
La parfaite fraternité entre les disciples soufis correspond aux attributs de la chevalerie spirituelle (futuwwah) qui préconise de toujours s’occuper d’autrui et de préférer les autres à soi-même.
Il s’agit de ne jamais chercher à diviser les disciples entre eux car la division est un égarement qui disperse les cœurs et qui détruit les fruits de l’amour. « En vérité, les croyants sont frères entre eux. Etablissez la concorde parmi vos frères ! » (Coran XLIX, 10). Cette incitation à la concorde s’appuie sur les nobles vertus du caractère : longanimité, générosité, modestie, sollicitude, patience et affection.
En un mot, la voie soufie est voie d’Union car l’Union est le principe de l’existence qui régit tous les mondes. Les soufis disent en maxime que les relations entre deux frères (ou sœurs) en Dieu ne seront pas parfaites tant que l’un ne pourra pas dire à l’autre :
« Ô moi-même ! ».
Ton véritable frère est celui qui reste à tes côtés.
Celui qui accepte de se nuire afin de t’être utile.
Celui qui, lorsque t’éprouvent les vicissitudes du temps,
Se multiplie afin que tu restes dans l’Unité.
Qu’y a-t-il au monde de plus doux qu’un ami qui égaie le cœur ?
Si j’ai glissé, je ne crains pas son blâme ;
Et si j’ai trébuché, il s’efforce de me relever.
Les joies ne sont ni dans les mets raffinés, ni dans le luxe,
Ni dans les richesses, même si leur éclat nous subjugue.
Seul un ami inspire le respect et la bienveillance qui naît de la générosité.
Pour un ami, on présente un visage plaisant et souriant.
L’ami permet d’accéder à un pur bonheur, le cœur dilaté d’abondance.
Il élève sans cesse le caractère des meilleurs.
Et même si je reste fidèle au Tout-Puissant,
Je ne saurais pour autant dédaigner les qualités de l’ami.
L’homme ennobli est irremplaçable !
L’homme ennobli marche vers la victoire !
Le texte publié est extrait de
« La vie traditionnelle, c’est la sincérité »,
traduit par Antoine Broudier aux Éditions Traditionnelles
Muḥammad ibn ‘Alī al-Tādilī. Né aux environs de 1880 à Rabat, d’une famille descendant du prophète et originaire de Sijilmāsa, aux confins du Sahara marocain, ce maître spirituel étudia le Coran dans sa ville natale jusque vers quinze ans puis partit à Fès poursuivre ses études de sciences religieuses à l’université Qarawīyiyya où il se rattacha à une confrérie soufie darqawi auprès du shaykh ‘Alī al-Sūsī al-Ja‘farī al-Ilghī. Il mènera ensuite une vie d’ascète errant, allant de zāwiya en zāwiya. D’une très grande rigueur, il brūla un jour tous ses textes car la pensée de les publier l’avait distrait lors d’une retraite spirituelle qu’il effectuait à Marrakech. La majorité de ses manuscrits est aujourd’hui dispersée parmi ses disciples. Il est surtout connu pour son rôle de maître spirituel. Dans la fin de sa vie, alors qu’il s’était établi dans la petite ville d’al-Jadida, il fut frappé de paralysie et devint aveugle jusqu’à sa mort, une quinzaine d’années plus tard. Un de ses traités, al-dīn al-naṣīha, a été traduit en français par A. Broudier sous le titre de « La vie traditionnelle, c’est la sincérité ».